De l'expérience client à l'expérience collaborateur
Dans une économie mondialisée où les services prennent une place centrale, la différenciation par le produit est de plus en plus éphémère face à la concurrence. En revanche, l’expérience client peut devenir un puissant levier de rupture, capable de bouleverser des marchés établis. Le succès des banques en ligne et néo-banques en est un parfait exemple : Nickel, Revolut, N26 ou Monzo ont conquis des millions de clients grâce à des parcours fluides, des applications intuitives et des services innovants.

Mais cette transformation ne repose pas uniquement sur la technologie. Derrière chaque réussite, il y a une évolution profonde de la culture client au sein des entreprises. La qualité de la relation d’une entreprise avec ses clients est indissociable de celle qu’elle entretient avec ses collaborateurs – c’est ce qu’on appelle : « l’expérience collaborateur ». Une entreprise qui soigne l’expérience de ses employés – en leur offrant un environnement de travail motivant, de la reconnaissance et des perspectives d’évolution – crée naturellement les conditions d’une meilleure expérience client.
Des bénéfices concrets pour l’entreprise
Soigner l’expérience collaborateur en améliorant l’engagement des collaborateurs peut notamment permettre de :
- Réduire significativement le turnover en instaurant un climat de travail plus engageant
- Améliorer son NPS et sa satisfaction client en créant des interactions plus qualitatives
- Optimiser sa productivité et la qualité de service grâce à des équipes plus impliquées
- Renforcer sa marque employeur et son attractivité en fidélisant ses talents et en attirant de nouveaux profils
En somme, l’expérience collaborateur n’est pas un simple enjeu RH : c’est un levier stratégique de différenciation et de performance.

Investir dans le bien-être et le développement des équipes crée une dynamique vertueuse qui se reflète directement sur l’expérience client et la compétitivité globale de l’entreprise.
La nécessité d’une gouvernance commune
Si l’engagement des collaborateurs est un levier stratégique, encore faut-il qu’il soit porté par une organisation structurée et transverse. L’expérience collaborateur, tout comme l’expérience client, ne peut être optimisée sans une gouvernance claire et partagée entre les différentes fonctions de l’entreprise.
Pourtant, l’attention accordée par les entreprises à l’expérience collaborateur reste encore limitée : les difficultés proviennent en grande partie d’un manque de transversalité et d’un mauvais pilotage de l’engagement collaborateur.
Une approche transverse pour un engagement renforcé
L’expérience collaborateur est un sujet souvent piloté par différentes fonctions : la fonction RH, bien sûr, mais d’autres services vont également contribuer au développement de l’engagement des collaborateurs : les services généraux, la fonction finance, la communication ou encore la direction informatique.
L’Oréal a récemment réinventé son modèle organisationnel en créant une structure plus flexible et collaborative, centrée sur l’agilité et l’innovation. Ce nouveau modèle met l’accent sur la transversalité entre les différentes fonctions et favorise l’implication de tous les collaborateurs dans le processus d’amélioration continue. En s’appuyant sur des équipes multidisciplinaires et une gestion des talents plus inclusive, L’Oréal cherche à renforcer l’engagement et à stimuler la créativité, en réponse aux attentes croissantes des collaborateurs en matière de sens et d’impact. Une transformation qui illustre l’engagement de l’entreprise à allier performance et bien-être des employés.
Il est important que la direction générale soit à l’initiative de ces sujets, et que ceux-ci constituent un axe pérenne de la stratégie globale de l’entreprise. En effet : l’amélioration de l’expérience collaborateur peut comporter quelques «quick wins » mais nécessite le plus souvent un programme de transformation qui s’échelonne sur la durée. Dans les entreprises anglo-saxonnes et déjà dans quelques entreprises françaises, des directions de l’expérience collaborateur sont précisément créées pour coordonner les initiatives transverses et impliquer les différents métiers.
Au-delà des fonctions transversales, l’expérience collaborateur est par ailleurs incarnée par chaque manager de l’entreprise, qui joue un rôle essentiel dans la motivation et l’engagement des employés. Selon une étude réalisée par GallUp en 2024, 70% de la variation de l’engagement des équipes peut être directement attribuée au manager, renforçant également l’importance des formations à tous niveaux.
La formation comme levier d’engagement
Dans ce contexte, la formation ne se limite plus à un simple apprentissage technique : elle devient un levier stratégique pour soutenir les managers, renforcer l’engagement des collaborateurs et ancrer durablement une culture d’entreprise en phase avec leurs attentes. De nombreuses entreprises innovent dans ce domaine, développant des approches immersives et collaboratives pour enrichir l’expérience employé dès leur intégration.
AXA, avec son programme Vis ma vie Client, a récemment remporté la Palme de l’expérience collaborateur 2024 de l’AFRC. Destiné aux 1 800 nouveaux entrants annuels, ce module leur offre une immersion dans l’univers client dès leur arrivée, grâce à une salle immersive à 360°, des emails d’intégration progressifs sur un an et des cafés virtuels trimestriels.

D’autres grands groupes explorent également de nouvelles approches. Walmart utilise la réalité virtuelle (VR) pour former ses employés à la gestion de situations clients complexes, tandis que Capgemini mise sur un programme de formation continue, visant une augmentation annuelle de 5 % des heures de formation. L’entreprise mise également sur des communautés en ligne, favorisant l’apprentissage collaboratif et le mentorat.
Alignement culturel et écoute
La sélection des talents joue un rôle clé dans l’équilibre d’une organisation et la transmission de sa culture client. Selon une étude de Leadership IQ, 89 % des échecs d’intégration sont liés à des incompatibilités culturelles plutôt qu’à des insuffisances techniques. Ce chiffre met en évidence l’importance d’évaluer non seulement les compétences, mais aussi l’alignement des valeurs dès le processus de recrutement.
Dans cette optique, les programmes de formation axés sur la reconnaissance et l’écoute active prennent de plus en plus d’importance. De la sélection des talents à leur développement, en passant par les attentes fixées aux managers, la transmission d’une expérience collaborateur alignée avec la culture de l’entreprise est un levier clé, non seulement pour l’engagement des équipes, mais aussi pour la rétention des talents
Santé mentale & bien-être
Portées par des valeurs sociales et éthiques de plus en plus affirmées, les nouvelles générations incitent les entreprises à repenser leur modèle. Cette évolution se traduit par l’émergence de programmes dédiés à la santé mentale et au bien-être, ainsi que par la création de nouvelles fonctions, telles que Chief Happiness Officer ou Responsable People & Culture, chargées d’intégrer ces initiatives au cœur de l’organisation.
Certaines entreprises l’ont bien compris : Salesforce propose un congé rémunéré pour le bénévolat, tandis que Google finance des sessions de méditation et de bien-être mental pour ses collaborateurs. Une étude Randstad Workmonitor 2024 révèle d’ailleurs que 91 % des salariés français considèrent l’attention portée à la santé mentale comme un critère déterminant dans le choix d’un employeur.
Au-delà du bien-être individuel, ces initiatives ont un impact direct sur la rétention des talents. Selon une étude Gallup et Workhuman de 2022, les entreprises qui cultivent une culture de la reconnaissance constatent que 56% des salariés sont moins susceptibles de chercher un nouvel emploi, soulignant ainsi l’importance de ces actions pour fidéliser les collaborateurs.
Mesure de l’engagement collaborateur
Aujourd’hui, la mesure de l’engagement collaborateur reste encore trop ponctuelle. La plupart des entreprises se reposent sur des enquêtes annuelles, alors que des indicateurs plus réactifs, comme l’Employee Net Promoter Score (eNPS) ou le Customer Employee Easy Score, permettraient de recueillir des retours plus immédiats et exploitables.
En parallèle, des plateformes comme Glassdoor et JobAdvisor offrent aux employés un espace d’évaluation anonyme de leur entreprise, mettant en évidence aussi bien les points de friction que les opportunités d’amélioration des politiques RH.

Toutefois, comme pour le pilotage de l’expérience client, le véritable enjeu ne réside pas tant dans le choix de l’indicateur que dans la démarche de suivi et d’analyse. Un pilotage efficace passe par une cartographie des parcours collaborateurs, permettant d’identifier les moments de vérité qui influencent leur expérience – qu’il s’agisse de l’intégration des nouvelles recrues, de la fin de leur période d’essai, de l’entretien annuel d’évaluation ou encore de la clôture d’un projet transverse de long terme.